prix wepler
fondation la poste
2025
la selection
Julien d’Abrigeon, Qui tombe des étoiles, Éditions Le Quartanier
Bernard Bourrit, Détruit tout, Éditions Actes Sud / Inculte
Thibault Daelman, L’entroubli, Éditions Le Tripode
Jospeh Incardona, Le monde est fatigué, Éditions Finitude
Hélène Laurain, Tambora, Éditions Verdier
Melvin Mélissa, Une pieuvre au plafond, Éditions Rivages
Damien Peynaud, Les Crédits, Éditions Noir sur Blanc/Notabilia
Marius Daniel Popescu, Le Cri du barbeau, Éditions Corti
Anne Serre, Vertu et Rosalinde, Éditions Mercure de France
David Thomas, Un frère, Éditions de l’Olivier
Laura Vazquez, Les Forces, Éditions du Sous-Sol
Hélène Zimmer, Les Dernières Ecritures, Éditions P.O.L
le jury
Léna Despujols, lectrice
Pierre-Antoine Gillouin, lecteur
Philippe Ginesy, libraire à la librairie des Abbesses
Olivia Goudard, libraire à la librairie des Abbesses
Pierre Lungheretti, lecteur
Simon Payen, libraire à la librairie La Vie immédiate
Charlotte de Roussane, lectrice (La Poste)
Sophie, lectrice (détenue au centre pénitentiaire de Rennes)
Marie Sorbier, productrice à France Culture
Thomas Stélandre, journaliste à Libération
Marie-Rose Guarniéri, fondatrice du Prix Wepler-Fondation La Poste
Élisabeth Sanchez, secrétaire générale du Prix Wepler-Fondation La Poste
RESULTAT PRIX WEPLER-FONDATION LA POSTE 2025
Les Discours
Marie-Rose Guarnieri
Bonsoir à toutes et à tous !
Si nous sommes présents, ici, ce soir, depuis 28 ans, c’est grâce à l’engagement de Monsieur Christophe Joullie et de Monsieur Philippe Deana. En offrant à notre fête l’excellent savoir-faire de leurs équipes de la brasserie Wepler afin de vous recevoir, de vous régaler de généreux plaisirs culinaires et viticoles, ils contribuent à inscrire dans le temps notre engagement envers ces remarquables écrivains de la rentrée littéraire 2025…
Nous devons aussi la chance de ce prix Wepler à l’exceptionnelle Fondation la Poste, incarnée ce soir par son président, Monsieur Philippe Wahl, par sa secrétaire générale, Madame Anne-Marie Jean, et leur équipe : Ibtissem Nasria et Nathalie Jungerman, rédactrice en chef incontournable de Florilettres. Merci à ces deux partenaires d’exception !!! Je vous adresse encore mon éternelle gratitude pour ces moyens, cette confiance, ce temps accordés qui permettent d’accomplir un précieux travail : détecter chaque année de nouvelles pépites littéraire qui déroutent, remuent, alertent…
Dans l’esprit de ce prix créé sous le signe du renouvellement nous avons le privilège de vous présenter la nouvelle présidente générale de la poste madame Marie-Ange Lebon qui succède au président monsieur Philippe Wahl qui nous a tellement honoré de sa présence éminente pleine de clairvoyance pleine de son énergie galvanisante de sa passion sincère pour les écrivains. Je vous remercie de votre indéfectible présence à nos côtés d’année en année. Si encourageante pour notre aventure. Si enrichissantes pour nos écrivains. Ce soir en plus de vous dévoiler nos deux lauréats nous assistions, en quelque sorte, ce qui nous honore, à la transmission d’un vibrant flambeau. Merci de choisir Montmartre ce territoire si riche qui j’espère vous portera chance comme à nous dans vos nouvelles fonctions.
Je remercie, bien sûr, vivement le jury d’avoir accepté de participer à cette nouvelle odyssée littéraire. Merci de votre disponibilité, de votre joie á ouvrir les enveloppes pour accueillir, entendre les textes et chercher à composer librement mais avec une minutie visionnaire une sélection ou chaque auteur nous ouvre des horizons littéraires insoupçonnés…
Je tiens aussi à citer ce soir mon équipe, ces complices épris de littérature. Chaque jour, dans l’ombre, ils donnent avec patience leur force et leur cœur à cette aventure afin qu’elle résiste, qu’elle rayonne encore ! Il s’agit de Florence Robert, notre Editrice, de mes librairissimes Olivia Goudard et Blanche Sarfati, d’Elisabeth Joel-Sanchez, notre secrétaire, de l’agence de presse La Bande en la personne d’Arnaud Labory, d’Anaïs Hervé et de mon combatif Vincent Pierre ! Je n’oublie pas non plus nos lecteurs du jeune Wepler, élèves du lycée Professionel Albert de Mun, leur directeur, Monsieur Auchard, et leur professeur, Anne Granger, qui s’efforce de leur transmettre par le prisme de la gastronomie le goût de la lecture.
Enfin, je remercie plus que jamais le miraculeux Rahim pour son fracassant talent de chanteur-danseur qui nous adresse de captivants messages avec ses mots et son corps.
Avant de donner la parole à nos deux lauréats, je salue encore une fois, avec mon ardent jury, l’ensemble des écrivains de notre sélection. Vous savez, découvrir vos livres a rendu nos vies plus supportables… Vous écrivez, vous écrirez, nous continuerons de vous défendre partout où nous irons. Cette fête vous est dédiée. Elle salue votre bravoure à continuer d’inventer des mondes dans l’intimité de votre chambre.
Levons nos verres pétillants en votre honneur et en celui de tous les écrivains vivants de ce monde… Que la fête commence !
Place maintenant… à nos deux lauréats ! Si vous ne les avez pas encore lus, précipitez-vous demain matin dès 10 heures chez votre libraire car leurs livres sont inoubliables…
BERNARD BOURRIT
Bonsoir à toutes et à tous,
Je ne serai pas long. C’est une expérience vraiment étrange et déconcertante pour moi de me tenir ici devant vous afin de recevoir ce prix. J’étais loin de me figurer en commençant à écrire Détruire tout que mon livre susciterait un quelconque intérêt au-delà du cercle confidentiel de lecteurs auquel j’étais habitué.
Alors, tout d’abord, je tiens à exprimer ma joie. L’immense joie que j’éprouve à voir mon ouvrage mis en lumière. Il y a derrière cet honneur que vous me faites ce soir un long chemin d’écriture tracé le plus souvent dans l’ombre et l’indifférence. Et cette joie, je voudrais la partager avec celles et ceux qui l’ont rendue possible. Je remercie donc chaleureusement l’ensemble des membres du jury qui a eu le courage de choisir un livre iconoclaste.
Je voudrais également exprimer ma gratitude aux éditions Actes Sud, aux éditions Inculte, et à mon éditeur, ici présent, Claro, qui, en plus d’être un très grand écrivain et un immense traducteur, est un lecteur formidable. C’est lui qui a eu l’audace ou la folie de donner sa chance à Détruire tout. Je l’en remercie.
Si j’ai commencé en vous disant que c’était une expérience déconcertante de m’exprimer devant vous, c’est que, de toute ma vie, jamais je n’ai attendu un quelconque avantage pour mon travail d’écrivain. Pas plus que je n’ai cherché à me mettre en évidence, ou encore à parler à la place de mes textes. Pour moi, un texte s’exprime toujours mieux que son auteur ; et c’est l’inverse qui me paraît problématique.
C’est donc l’occasion de rappeler que Détruire tout est entièrement fait de la voix des autres. En m’immergeant longuement dans les archives pour reconstituer le féminicide qui constitue le cœur et le nœud de mon livre, je voulais surtout, et d’abord, faire résonner au présent les voix du passé. Des voix qui précisément n’étaient pas celles de l’auteur. C’est à force de me demander comment m’y prendre pour ouvrir le récit à sens unique qu’avait produit la presse de l’époque que la réponse s’est imposée d’elle-même : en multipliant les échos et les points de vue, quitte pour cela à faire sauter le cadre de la représentation.
C’est l’histoire du joujou cher à Baudelaire, comme un enfant, j’ai entrouvert la mécanique de ce fait divers, et je l’ai secouée à la recherche de son âme. Évidemment, je ne l’ai pas trouvée.
Je voudrais conclure en partageant avec vous une dernière pensée qui m’est venue récemment en songeant à mon livre. Détruire tout a été écrit dans une perspective féministe, c’est indéniable. Toutefois, il ne s’attaque pas frontalement aux structures patriarcales. Il s’attaque à la société des « pères » : c’est une distinction subtile peut-être, mais importante à mes yeux, et qui légitime mon geste d’écriture, car, si je ne suis pas une femme, je suis au moins un fils.
Ce glissement (du patriarcat au père, de la structure à la figure) ne fonctionne que si l’on accepte de désaxer le centre de gravité du mot « père ». Si l’on accepte l’idée que quiconque revendique un territoire où exercer sa force mérite ce titre. Si l’on accepte l’idée que le propre d’un territoire, parce qu’il institue un « tout », c’est d’exclure.
Cela posé, nous cherchons tous, et toujours, mes personnages, vous et moi, à occuper une place et à jouer un rôle dans le maillage de ces territoires qui s’enchevêtrent. C’est-à-dire trouver à exister dans l’exclusion que ces territoires fabriquent. Que ce soit dans la résignation, la révolte, la liberté ou la violence.
Sous cet angle, on le voit, c’est une autre histoire qui commence de se raconter.
Mais assez parlé.
Merci à tout le jury ! Merci à la Fondation La Poste !
Merci pour ce précieux encouragement !
Merci à la brasserie Wepler !
HélèNE laurain
Bonsoir à toutes et à tous,
Un grand merci au jury du prix prix Wepler-Fondation La Poste, c’est une joie et un honneur de recevoir la mention spéciale de ce prix si précieux, et d’être récompensée parmi une si belle liste d’autrices et d’auteurs.
Un grand merci, bien sûr, à mes éditrices et éditeurs et à toute l’équipe de la belle maison Verdier. Ce sont elles et eux qui permettent, et c’est rare, à de tels textes d’exister.
Avant de commencer mon discours sérieux et professionnel, j’aimerais vous raconter comment j’ai appris l’heureuse nouvelle.
17:30 : Ma fille de 3 ans s’endort en manteau sur mon lit.
21:30 : Ma fille de 3 ans se réveille de sa sieste de 4 heures. Elle est très énervée. J’espère depuis de longues minutes un appel du jury Wepler qui ne vient pas. Je couche ma fille, je suis aigrie, je me dis qu’encore une fois, la parentalité l’emportera sur la littérature.
21:35 : je reçois un SMS énigmatique d’un expéditeur inconnu et injoignable qui me demande d’appeler le jury Wepler de toute urgence.
21:36 : je n’ai pas le 06 du jury Wepler, je suis embarrassée, en panique mais de meilleure humeur.
21:37 : je comprends que ce n’est pas le jury qui est injoignable, mais moi. Mon téléphone, pour des raisons énigmatiques, ne reçoit pas les appels.
21:38 : Je le redémarre, j’appelle Marie-Rose Guarnieri, l’heureuse nouvelle m’est annoncée et ma fille n’a même pas hurlé.
Si je vous raconte tout ça, c’est parce que ce n’est pas étranger à ce que j’ai cherché à faire dans Tambora : rendre la texture d’un quotidien trop ténu pour être saisi ; faire voir l’ambivalence d’une mère face à son rôle si exigeant, solide tabou. Montrer un corps qui en porte d’autres, qui souffre, s’amplifie, soulève, danse, se couche, jouit, survit. M’interroger sur l’après-catastrophe : la catastrophe intime, invisible, silencieuse et en face, la catastrophe globale, insaisissable, écrasante.
J’ai aussi voulu faire de toutes petites personnes des personnages, dignes d’être écoutés, dignes d’être lus. J’ai voulu montrer l’impossibilité de vivre sereinement cette expérience de maternité sur laquelle pèse une tonne d’injonctions contradictoires, martelées avec un tel naturel, aussi bien par les proches que les lointains, si puissantes qu’elles nous recouvrent d’une seconde peau.
J’ai voulu chercher une langue vivante pour contrer la mortelangue des clichés et des jargons. J’ai voulu dire haut et fort mon rejet de l’essentialisation, des mères et de toutes celles et ceux qui se reconnaîtront, un des grands dangers parmi ceux qui nous guettent.
Ce que j’espère, c’est avoir pu montrer à ma façon que face au désespoir, ce n’est pas l’espoir qu’il faut attendre sagement, mais c’est l’action, la contre-violence plurielle, protéiforme et créative, littéraire entre autres, qu’il faut inventer.
Comme beaucoup d’autres ce soir, je crois fort en la littérature qui cherche et se satisfait de ne jamais trouver. Avec Tambora, j’ai écrit un livre qui « part dans tous les sens » (je cite un jeune qui a été forcé de lire mon livre, rencontré lors de ma tournée), un livre qui « dévoile toute mon intimité » (je cite un autre jeune), un livre impudique et qui en est fier (là, c’est moi qui parle).
Je reste en effet persuadée qu’exclure certaines intimités de la littérature, ici, celle d’un corps enceint pourtant souvent déshabillé, pénétré, mesuré et observé à la loupe, dont on considère qu’il appartient à tout le monde, exclure aussi toutes les intimités qui se distinguent de ce qu’on désigne comme la norme, c’est faire peser le silence, l’invisibilité, la honte sur elles. C’est leur voler l’opportunité de chercher les mots justes pour se donner à voir, c’est doubler la violence qui s’applique aux corps minorisés par des mots qui mentent.
Merci donc, grâce à ce prix, de donner une visibilité à ce livre fait de paniers de mots plutôt que d’histoires qui tuent, qui propose des formes qui veulent saisir notre chaos commun. Je lui souhaite d’être également ouvert par des personnes qui n’auront pas vécu ces expériences dans leur chair, mais pourront piocher des pépites de vérité dans ce grand sac empli d’histoires.
Pour finir, j’aimerais remercier, comme je leur ai promis ce matin, mes filles, dont l’arrivée, bien que mouvementée, m’a donné le courage d’écrire. Pour elles, je m’engage à chercher toujours la vie belle, et ce soir, c’est particulièrement facile.
Bonne soirée à toutes et à tous !
la presse en parle
Les brèves du jour de Marie Sorbier :
Les lauréats du prix Wepler – Fondation La Poste ont été dévoilés ce matin : L'auteur suisse Bernard Bourrit remporte ce prix pour son premier roman Détruire tout paru aux éditions Inculte dans lequel il décortique les mécanismes d'un féminicide en Suisse dans les années 1960. Il succède ainsi à Thomas Clerc, lauréat 2024 pour son ouvrage Paris, musée du XXIe siècle – Le dix-huitième arrondissement. Le jury a décerné sa Mention spéciale à l’écrivaine Hélène Laurrain pour son livre Tambora publié aux éditions Verdier qui explore la question de la maternité. Créé en 1998, le Prix Wepler-Fondaton La Poste offre une dotation de 10 000 euros et de 3 000 euros aux lauréats. Il distingue chaque année deux écrivains s'étant démarqué par leur style et une certaine prise de risque romanesque.
NOS DEUX LAURéats : Bernard Bourrit et hélène Laurain