PRIX WEPLER - FONDATION LA POSTE 2010

la selection

  • Jacques Abeille, Les Jardins Statuaires, Éditions Attila

  • Pierre Alferi, Après vous, Éditions P.O.L

  • Lutz Bassmann, Les aigles puent, Éditions Verdier

  • Thierry Beinstingel, Retour aux mots sauvages, Éditions Fayard

  • Claro, CosmoZ, Éditions Actes Sud

  • Christian Estèbe, Des nuits rêvées pour le train fantôme, Éditions Finitude

  • Éric Faye, Nagasaki, Éditions Stock

  • Jérôme Ferrari, Où j’ai laissé mon âme, Éditions Actes Sud

  • Alain Fleischer, Imitation, Éditions Actes Sud

  • Thomas Heams-Ogus, Cent seize chinois et quelques, Éditions du Seuil

  • Linda Lê, Cronos, Éditions Christian Bourgois

  • Yves Ravey, Enlèvement avec rançon, Éditions de Minuit

le jury

  • Bernadette Baudouin, lectrice (détenue au Centre pénitentiaire de Rennes)

  • Dominique Boutel, journaliste (France Musique)

  • Viktor Cohen, lecteur

  • Jonathan Cordier, lecteur

  • Jérôme Goude, critique littéraire (Matricule des Anges)

  • Caroline Loustalot, libraire (Librairie des Abbesses)

  • Cécilia Mazur, lectrice

  • Annelise Ouvrard Pascaud, lectrice et auteure

  • Frédérique Vannier, lectrice (La Poste)

  • Nicolas Vivès, libraire (Ombres Blanches)

  • Marie-Rose Guarniéri, fondatrice du Prix Wepler-Fondation La Poste

  • Élisabeth Sanchez, secrétaire générale du Prix Wepler-Fondation La Poste

LE LAURÉAT

Linda Lê - Cronos, Éditions Christian Bourgois

LA MENTION SPÉCIALE

Jacques Abeille - Les Jardins Statuaires, Éditions Attila

Les Discours

Marie-Rose Guarnieri

Ne perdons plus de temps à contester par des discours nos institutions littéraires.
Posons ce soir un acte : oser récompenser deux auteurs de plus que celui que l’on voudrait nous imposer comme l’unique grand auteur français, un auteur fétiche, emblématique de notre époque , tellement identifiable sur la carte de notre territoire et ce dès le mois de juin….Pourquoi publier 700 roman pour ne parler que d’un ? Cessons le simulacre d’une course aux prix et d’une surprise jouée d’avance. Fuyons le doigt qui aujourd’hui décrète, assigne, désigne la littérature, regardons en dehors, ailleurs.
Ce soir, ce ne sera pas un livre, POINT mais deux livres de plus, VIRGULE.

Ne discutons plus, agissons, donnons 10000 et 3000 euros à deux auteurs pour qu’ils continuent d’écrire grâce à la Fondation de la Poste.

Ne discutons plus, agissons, enivrons-nous grâce à Michel Bessière, son équipe et la magnifique et généreuse brasserie WEPLER.

Enivrons-nous d’astres littéraires plus lointains, plus rares, entendons la bruyante solitude d’auteurs, endurants, exigeants, ardents, enivrons-nous car ils sont bien le printemps de cet automne.

Enivrons-nous car ce Prix n’est pas une consolation, il n’y en a pas, continuons, c’est TOUT.

Je vous demande à tous en sortant demain de parler de ces Ecrivains, de nous relayer, de faire état de leur existence.

Aujourd’hui, nous sommes à l’ère du « Tu vends ou tu meurs », ET vous tous ce soir, depuis treize ans, vous êtes notre plus grand, notre plus précieux média, PROUVEZ-LE !

linda lê

Je suis très émue de recevoir aujourd’hui le prix Wepler/ Fondation de la Poste, parce qu’il récompense un roman différent de ce que j’ai publié jusqu’à présent. Christian Bourgois me rappelait souvent qu’un livre doit susciter un sentiment d’intranquillité. En écrivant une fiction sur l’oppression, la violence et la corruption, mais aussi sur la résistance, j’avais conscience que je pouvais susciter un malaise. Mais j’espérais aussi que cette fable, porteuse d’interrogations sur notre monde actuel, la privation de libertés, les excès du pouvoir, trouverait un écho chez des lecteurs vigilants, prêts à saluer les levées de boucliers lorsque se mettent en marche les machines à écraser l’humanité, comme disait Simone Weil. Face aux formes insidieuses de la dictature, notre tâche est de rester en éveil, de défendre notre droit à la subversion. Dans ce combat, les mots sont de pauvres armes, mais les écrivains que j’admire, les maquisards de la littérature, ont de tout temps ferraillé pour se dresser contre la réaction. Je tiens à leur rendre hommage ici, car c’est en suivant leurs traces que j’ai imaginé une Antigone déterminée à sortir de son fatalisme et à engager une lutte pour ne plus courber l’échine et accepter l’innommable. Même dans nos sociétés dites démocratiques, notre chance réside dans notre incessante quête d’une voie pour l’insubordination. L’Antigone qui sommeille en nous n’attend pas d’être acculée pour se manifester au grand jour.

Je suis très reconnaissante au jury du prix Wepler/Fondation de la Poste d’avoir été sensible à cette tragédie d’une figure de la dissidence et de donner un retentissement à la parole d’une insurgée. Ma pensée ce soir va à mon père et à Christian Bourgois, qui auraient été, je crois, très heureux de ce prix. Je remercie Dominique Bourgois, qui m’a soutenue tout au long de l’écriture de Cronos. Je vous remercie tous d’être présents ce soir.